Les interviews de Hospihub : Alexis Peyer, architecte

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Les interviews de Hospihub : Alexis Peyer, architecte

Les Interviews de Hospihub sont une série d'entretiens avec des professionnels – en France et au-delà - du secteur hospitalier, qu’ils soient de profil institutionnel, maitrise d’ouvrage, maîtres d’œuvre, ou prestataires / fournisseurs du secteur santé.

Ces interviews abordent des sujets tels que la conception, les innovations technico-médicales, les défis auxquels le secteur de la santé est confronté, les solutions proposées et les opportunités futures.

Elles permettront aussi de connaître sous un angle un peu plus personnel certaines personnalités selon leur actualité, et leur rapport à leur activité. L’objectif est de vous offrir une perspective différente sur l’écosystème de la santé francophone.

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Alexis PEYER, Architecte

Alexis Peyer les interviews de Hospihub.com

 

Alexis PEYER, 45 ans, diplômé en 2004 à l'école d'Architecture Paris-Belleville (EAPB). Architecte associé depuis 2016, atelier Michel Rémon &Associés.

Expérience en nombre de projets Santé : une dizaine

Premier projet santé auquel il a participé : Centre Hospitalier Inter-Communal de Villeneuve Saint-Georges en 2004

Quelques réalisations marquantes à son actif :

  • Centre Hospitalier Intercommunal de Villeneuve Saint-Georges  (2004 – 2017) 
  • Centre Hospitalier des Quatre Villes - Saint-Cloud (2008 – 2016) 
  • Cliniques Saint-Luc - Bruxelles (2017 – 2030) 
  • Smart Health Care City - Ben Guerir, Maroc (2022 – 2024, chantier en cours) 
  • Hôpital général - Staoueli, Algérie (2023 – 2026, chantier en cours)

1. Alexis Peyer, qu'est-ce qui vous intéresse le plus dans la conception d'établissements de santé ?

On s’attend peu à voir surgir de l’Architecture lorsque l’on parle d’hôpital.

Je m'intéresse à la conception des établissements de santé, même si beaucoup d'architectes les considèrent simplement comme des "bâtiments techniques". C'est précisément cette perception, empreinte d'une certaine indifférence, qui a alimenté mon intérêt. Dans ce contexte, contrairement aux attentes, l'excellence architecturale se révèle essentielle.

Je suis passionné par la création de grands bâtiments qui deviendront des repères dans la ville, inspirés par l'architecture publique du XIXe siècle. Bien que la comparaison avec l'époque d'Haussmann soit complexe dans nos villes et agglomérations actuelles, je crois qu'il est possible de viser une architecture intemporelle, évoquant les valeurs des monuments républicains.

Gérer l'échelle, les volumes imposants, les flux complexes et les fonctions médicales tout en tenant compte des interactions humaines et des contraintes économiques est un défi captivant. En tant qu'architecte, plonger dans cette complexité signifie s'immerger dans la réalité contemporaine où le pragmatisme du terrain se mêle aux enjeux stratégiques de la santé publique.

Trouver des solutions innovantes tout en respectant des contraintes techniques et budgétaires dans la conception de ces espaces cruciaux représente un exercice intellectuel passionnant. L'équilibre entre l'innovation, l'élégance architecturale et l'intemporalité du bâti est un défi délicat, mais stimulant.

2. Quelle est la difficulté la plus lourde que vous ayez rencontrée lors de la conception d'un projet hospitalier et comment l'avez-vous surmontée ?

La conception d'un projet hospitalier représente un défi majeur, impliquant la gestion complexe des exigences fonctionnelles, des contraintes de planning et surtout des impératifs d'une architecture durable. C’est-à-dire une architecture intemporelle capable d’accueillir les changements fonctionnels qui seront inévitables lors des études, du chantier et ensuite pendant la vie du bâtiment. 

Mes expériences les plus stimulantes et donc difficiles sont les plus récentes : concevoir deux hôpitaux entiers en quelques mois seulement pour démarrer très vite les chantiers. C’est le process « fast-track » cher à nos nouveaux clients : 8 mois d’études pour concevoir 60 000 m² ou 10 mois pour concevoir 170 000 m², cela laisse peu de temps à l’hésitation et pas de place aux erreurs.  Un exercice intensif qui a exigé une collaboration sans faille entre nos équipes d’architectes et les ingénieurs.

Dans ces deux projets, nous avons adopté une stratégie en plan masse avec une figure forte et claire (une « forme essentielle »), un principe de plan hyper tramé avec des hauteurs d’étages surdimensionnés (de 4.50 m à 5.20 m) et une structure optimisée (par exemple sans poutre). Nous avons pu intégrer tous les services d'un hôpital général et apporter des ajustements fonctionnels tout au long des échanges avec les utilisateurs, ceci sans perturber les études de structures et de fluides, menées selon un calendrier strict.

Notre équipe MR&A a su, ces deux dernières années, accepter ces paris assez fous, les réussir et ainsi en sortir grandie prête à affronter d’autres défis aussi excitants.

 

3. Quel aspect de la conception d'un hôpital considérez-vous comme essentiel pour favoriser la sécurité et le bien-être des patients ?

La conception d'un hôpital est avant tout une mission de sécurité et de confort. La résilience structurelle face aux séismes et aux incendies, l'intégration de technologies de pointe pour la sécurité médicale, et la création d'environnements apaisants sont des éléments cruciaux. L'architecture de l’hôpital doit être un catalyseur de bien-être, offrant un équilibre entre la précision médicale et la chaleur humaine.

L'accueil dispensé par le bâtiment constitue le premier geste envers les patients et leurs proches :

  • À Villeneuve Saint-Georges, l'hôpital est conçu comme une vigie stable et apaisante, s'insérant avec assurance dans le panorama métropolitain de l’Est parisien.
  • À Benguerir au Maroc, nous avons intégré deux jardins au cœur du plan, offrant ainsi des espaces paisibles aux familles tout en préservant la sérénité des services.
  • À Bruxelles, le bâtiment de grande envergure est dessiné comme un skyline de volumes verticaux posés et à l’échelle domestique, permettant d'éviter l'impression écrasante liée aux « barres » hospitalières du 20e siècle.

Par ailleurs, il faut dépasser la sempiternelle question du rendement de surfaces (le fameux ratio SDO / SU). Bien sûr être le plus efficace dans les lieux fonctionnels mais accorder ailleurs des élargissements, une générosité et un rapport direct à l’extérieur à l’image des galeries des bâtiments classiques tels l’Hôtel-Dieu à Paris.

 

4. Pouvez-vous partager un exemple de projet hospitalier dont vous êtes particulièrement fier et nous expliquer en quoi il se démarque ? 

Le nouveau projet Smart Health Care City à Benguerir au Maroc est une réalisation dont je suis particulièrement fier. Nous avons remporté le concours en début 2020, mais le démarrage a été brutalement interrompu par la pandémie de Covid-19. Après deux ans d'attente, notre client a réaffirmé son engagement et a redéfini le projet en mode "fast-track" : 8 mois d'étude et 24 mois de chantier pour trois bâtiments totalisant 60 000 m² !

Une équipe de 1000 compagnons, dirigée par BYMARO et JESA (AMO), est actuellement sur le chantier, et la livraison est prévue cette année, respectant ainsi les délais. Ce projet témoigne de notre capacité à relever des défis ambitieux et à concilier l'efficacité avec une conception architecturale exceptionnelle.

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Smart Health Care City – Benguerir, Maroc

Croquis apparaissant dans interview Alexis Peyer, Architecte - Hospihub

Smart Health Care City – Benguerir, Maroc

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Smart Health Care City – Benguerir, Maroc

 

5. Quelles sont les principales considérations que vous prenez en compte pour améliorer l’expérience des patients dans la conception d’un hôpital ?

La simplicité des parcours et des espaces, la lumière et la qualité d’accueil du bâtiment. L'amélioration de l'expérience des patients est au cœur de notre approche. Nous concevons des espaces lumineux, ouverts et flexibles, favorisant la connexion avec la nature. La simplicité délibérée, la connexion avec l’extérieur dans ces bâtiments souvent très épais, et une palette de matériaux choisis avec soin deviennent des éléments essentiels.

J'ai également eu la chance, au sein de mon agence, de participer à une méthode de conception innovante lors du projet BAUREALS pour les Hospices Civiles de Lyon. Basé sur le « Lean Design », le projet a été porté par un groupe de 120 personnes représentant les usagers et prenant part aux décisions depuis la programmation jusqu’au choix de l’architecture et validation des plans. Cette approche collaborative a permis de recueillir des perspectives diverses, garantissant que les besoins et les préférences des usagers sont intégrés de manière complète dans la conception de l'hôpital. Cette participation active renforce notre engagement envers une conception centrée sur les besoins réels des patients et contribue à créer des établissements de santé plus efficaces et accueillants.

Par ailleurs, nous accueillons à l’atelier une chercheuse en philosophie (de l’Ecole Normale Supérieure), Coline Periano, pour sa thèse qui se concentre sur la vision de l’hôpital côté patient : cela nous aide à renverser notre regard de concepteur et ne plus uniquement regarder l’hôpital du point de vue des soignants et personnels.

La perception côté patients est paradoxalement peu connue et peu utilisée pour la conception des lieux de soins. C’est pourquoi le travail de Coline est précieux pour nous ouvrir le regard.

 

6. Quels conseils donneriez-vous aux architectes qui souhaitent se spécialiser dans l'architecture hospitalière ?

Je suggère aux architectes aspirant à la spécialisation en architecture hospitalière de rejoindre des agences dédiées, favorisant ainsi une montée en compétence rapide à travers des projets concrets et une équipe expérimentée.

Une immersion dans des contextes hospitaliers en constante évolution et la manipulation habile de multiples contraintes sont essentielles. Cultiver la curiosité pour les aspects architecturaux et techniques, tout en étant passionné par l'aspect humain.

Considérer le fait qu'être un architecte non spécialisé en santé peut être un avantage, permettant d'éviter les réponses conventionnelles et d'apporter une sensibilité unique à la proposition architecturale.

 

7. Pensez-vous que la formation actuelle des architectes soit adaptée à la prise en charge de cette conception très complexe ? Eventuellement, en quoi faudrait-il l’enrichir ?

Il n’y a pas de formation en ce sens en France. Le mieux serait d’encourager les stages à mi-cursus dans les agences spécialisées, ou chez des AMO-programmistes.

 

Question subsidiaire : si vous l’avez en votre possession, que vous a apporté l’ouvrage « Comprendre et concevoir le bloc opératoire » de Patrick Breack (Editions Hospihub) ?

Je n’ai pas cet ouvrage.

Une interview de Karine Breack-Touzet pour Hospihub


N.D.L.R. Avec tous nos remerciements à Alexis Peyer !

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