Les bactéries n’ont ni religion ni passeport

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Les bactéries n’ont ni religion ni passeport
Monde entier

Depuis quelques temps, le fait culturel et religieux apparait plus présent dans les échanges avec les professionnels de Santé de certains pays, en majorité musulmans. Ceci correspond à une évolution générale de toutes les sociétés, qui semble pousser les populations à se recentrer sur leur identité pour faire face aux difficultés accrues qui découlent de la mondialisation. Un intervenant étranger dans ces pays doit comprendre et s’adapter à leur évolution, il n’en demeure pas moins que certaines vérités dépassent tous les clivages, dont celle-ci : les bactéries n’ont ni religion, ni passeport.

Dans les pays en développement (PED), la remarque formulée fréquemment à l’encontre de celui qui propose un peu de rigueur, c’est-à-dire une assez profonde révision des pratiques professionnelles, est inévitablement la même : « ici c’est différent, les méthodes occidentales ne peuvent pas s’appliquer, nous n’avons pas la même culture. »

C’est vrai pour tout ce qui concerne les secteurs d’accueil, d’attente, de consultation, d’hospitalisation et la moindre des choses quand on intervient dans un pays qui n’est pas le sien est d’écouter, d’observer pour mieux s’adapter à sa culture et à ses pratiques habituelles, en particulier en milieu hospitalier où la population possède souvent de bonnes raisons d’être angoissée.

Par contre, cette remarque ne peut être retenue lorsqu’il s’agit de secteurs techniques à haut risque tels que le bloc opératoire, la réanimation et dans une moindre mesure, la maternité. Elle ne peut être retenue davantage quand il s’agit de la sécurité élémentaire que procurent un bio nettoyage efficace, un traitement hygiénique du linge ou de la préparation des repas. C’est pourtant lorsque ces sujets sont abordés que cette remarque est le plus souvent formulée.

Le contexte

Les phénomènes de contamination que visent à prévenir les mesures préconisées, résultent de l’existence incontournable de multiples microorganismes présents sur toute la surface du globe, quel que soit le continent et son niveau de développement. L’importance et la rapidité des échanges et des déplacements des produits et des personnes tendent par ailleurs à répandre et répartir ces sources de contaminations. Les bactéries et autres microorganismes circulent librement, ils n’ont pas besoin de passeport et n’ont aucune considération pour les spécificités religieuses ou culturelles des uns et des autres.

Par contre, les habitudes locales de prescription et de consommation des antibiotiques, abusives ou sauvages dans les PED, peuvent conduire à la multiplication d’antibiorésistances, d’autant que le niveau d’hygiène des centres de soins facilite les contaminations de personne à personne. Par ailleurs, les conditions de température, d’humidité, de détérioration des locaux et de sous information des personnels et des patients contribuent grandement à potentialiser ce risque.

Là où il faudrait être plus rigoureux dans les comportements et les mesures préventives, certains pensent que Dieu et leur culture les protègent. Dans le pire des cas, c’est la fatalité, contre laquelle bien sûr on ne peut rien. Le véritable problème réside dans le fait que ces propos émanent parfois de l’encadrement des établissements, voire de médecins et de chirurgiens.

La prévention

La religion et la culture sont incontestablement à la base de ces réactions, mais il faut y ajouter un facteur essentiel sur lequel il est possible d’agir : les défaillances de la formation.

Dans la plupart des pays, la formation en hygiène hospitalière est au mieux embryonnaire et bien souvent inexistante, aussi bien dans le cursus médical que soignant. Le chirurgien qui exige le retour de son instrumentation en moins d’une heure ignore tout des principes de la stérilisation. L’infirmière qui laisse croupir un antiseptique pendant des jours dans un flacon pissette à la lumière ignore également qu’il se détériore et devient un bouillon de culture. Aucun n’a l’intention de nuire, mais chacun ne peut connaitre ce qu’il n’a pas appris.

Quand il s’agit de projets hospitaliers complexes, cette méconnaissance des risques et des principes qui permettent de les prévenir est tout aussi préjudiciable. Les cadres techniques des ministères ne disposent généralement pas des compétences nécessaires pour évaluer la qualité des propositions qui leur sont faites, tant au plan organisationnel et préventif que technique ou financier. C’est ainsi que des prestataires plus ou moins scrupuleux conçoivent, construisent et souvent, suréquipent des établissements inadaptés aux besoins objectifs.

La formation constitue la réponse incontestable à ces situations. Mais il semble nécessaire de souligner que les sources d’information directes sont aujourd’hui multiples pour qui dispose d’une connexion Internet. Attendre que la formation soit subventionnée par un Etat étranger ou une ONG relève d’une passivité regrettable. Pour progresser, il faut avant tout en avoir la volonté. C’est le cas, fort heureusement, de trop rares individualités.