L’épidémie, désormais mondiale, de Covid19 pose la question des conséquences sur l’accueil des patients internationaux, en particulier pour les opérateurs qui interviennent entre la Chine et la France. Didier Carraud, Vice-président en charge du Développement international pour le bureau de coordination Chine et Asie de C3Medical, société française spécialisée dans l’organisation de la prise en charge de patients à l’étranger vers des hôpitaux français, fait le point sur la situation.
Pour quels types de pathologies organisez-vous des séjours médicaux en faveur des patients chinois ?
D.C : En Chine comme ailleurs, nous restons focalisés sur les patients présentant des pathologies lourdes et complexes : cardiologie, oncologie, orthopédie. Quand on organise le traitement d’un enfant atteint d’un cancer, on est loin de l’idée du « tourisme médical » C’est pourquoi nous utilisons plutôt le terme « medical travel ».
Depuis que la Chine a révélé l’existence et la propagation du coronavirus, avez-vous constaté une diminution des demandes de prise en charge en France depuis la Chine ?
D.C : Au contraire, nous avons plutôt affaire à une augmentation des demandes de prises en charge ! Cela s’explique : Les hôpitaux chinois sont focalisés sur la prise en charge des patients infectés par le virus et par conséquent les soignants « délaissent » leur propre service pour s’occuper des contaminés.
Mais toutes les demandes n’aboutissent pas à une prise en charge réelle, pour diverses raisons, dont celle du manque de ressources financières. Il y a également des pays comme l’Australie, les Etats-Unis, ou Singapour, qui ont interdit très tôt l’entrée de non-résidents arrivant de Chine.
« Manque de masques et fausses informations »
Comment avez-vous vécu ces premiers jours après l’annonce de l’apparition du virus ?
Nous avons découvert le coronavirus depuis le 20 janvier dernier, soit 20 jours après l’alerte du Dr Li Wenliang, de l’hôpital de Wuhan, ce médecin ophtalmologiste qui pour avoir tenté d’alerter ses confrères, a été accusé de propager de fausses informations, et a lui-même été victime du virus le 7 février dernier.
Nous avons alors été sollicités par nos partenaires locaux : réseau de patients, assurances, entreprises, consulat, hôpitaux, pour des informations plus précises, de la demande d’aide de matériel de prévention, car très vite les stocks de masques, de solutions hydroalcooliques ont été épuisés comme vous le savez. Nous avons fait appel à des partenaires au Maroc par exemple pour en obtenir et les faire acheminer jusqu’ici.
Equipe de l'hôpital Taikang de Nanjing en partance le 10/02/2020 pour l'hôpital frère, Taikang de Wuhan - Crédit photo : C3Medical China
Vous avez suspendu vos prises en charge pendant une semaine avant de reprendre l’activité...
D.C : Il y a eu une période floue, avec toutes sortes d’informations plus ou moins fausses. Nous avons pris le temps de discuter avec chaque maillon de la chaîne de prise en charge : équipe médicale en France, Agence Régionale de Santé, assurances, consulat. Avec des précautions supplémentaires, résultant de ces discussions, nos patients ont pu être acheminés encore la semaine dernière à Paris, en utilisant la compagnie China Eastern.
« Il y a eu des inquiétudes des établissements accueillants »
Les établissements avec lesquels vous travaillez, vous ont-ils demandé de suspendre l'envoi de patients de Chine ou d'autres pays ?
D.C : Il y a eu de l’inquiétude, mais nous avons su les rassurer, en liaison avec les autres partenaires. Les mesures d’hygiène sont renforcées, nous évitons aussi l’hébergement dans la Maison des patients et des proches de l’Institut Curie par exemple. Encore une fois nos patients chinois viennent en France pour des traitements lourds, et voyagent sur des avions de ligne tout seuls, sans assistance médicale. Ils sont soumis aux contrôles sanitaires imposés à tout passager.
De façon générale, pensez-vous que le secteur du voyage médical sera impacté par l'épidémie ?
D.C : Il est possible qu’effectivement en cas de pandémie mondiale, cette activité soit ralentie : toutes les ressources médicales seront sollicitées, la priorité sera donnée aux patients nationaux. Par conséquent, il y aura moins de possibilité de soigner des étrangers, ou ceux-ci devront reporter leur traitement.
Par ailleurs, l’épidémie va probablement accentuer les demandes de coopération médicale internationale qui existent déjà entre certains établissements. C’est-à-dire qu’un hôpital ne possédant pas l’expertise médico-technique dans le traitement de telle pathologie, va mettre en place des échanges et des séances de transmission du savoir-faire avec des équipes plus expertes. Ce qui tendra à réduire peu à peu l’envoi de patients à l’étranger. La France est largement sollicitée sur ce plan. Elle s’organise pour y répondre, notamment dans le cadre des actions de la French Healthcare, dont C3Medical est membre.
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