L’hôpital Nord de Marseille constitue une barrière perpendiculaire au Mistral qui balaye une cimenterie avant de rencontrer les murs de l’hôpital. Depuis, s’est implantée en complément une énorme décharge publique. Ces points ont été relevés lors d’une analyse des causes potentielles de contaminations aspergillaires récurrentes en réanimation. Parfois, des décisions arbitraires de responsables politiques débouchent sur des situations qu’une étude sérieuse d’environnement aurait permis d’éviter.
RISQUES LIES A LA CONCEPTION DES LOCAUX HOSPITALIERS
Chacun comprend que la conception des locaux affecte directement la sécurité des patients pour ce qui concerne le risque d’incendie. Des commissions de contrôle existent et vérifient que les dispositions nécessaires ont été respectées. Malheureusement, il n’existe pas de système équivalent pour ce qui concerne le risque infectieux alors qu’il est plus important dans un hôpital que le risque d’incendie et qu’il dépend pour une part significative de la conception des locaux. En France, la réglementation prévoit la participation des hygiénistes aux projets hospitaliers, mais en réalité, elle dépasse rarement le stade consultatif et n’intervient que tardivement.
Il existe des textes très précis qui définissent les règles à respecter pour assurer la sécurité des personnes dans un bâtiment qui reçoit du public. Il n’existe pas d’équivalent, en particulier dans les pays émergents, pour ce qui concerne la sécurité des patients qui séjournent dans un hôpital et naturellement, les contrôles éventuels ne peuvent se baser sur aucun texte de référence. C’est ainsi que les administrations autorisent parfois des projets qui sont manifestement dangereux, voir ci-dessous les plans d’une clinique privée actuellement en cours de construction, où la cuisine, la buanderie et la morgue sont regroupés, avec les salles d’opération, dans l’espace confiné d’un seul étage.
Les références existent pour qui veut bien se donner la peine de quelques investigations sur Internet. Elles sont très nombreuses et proposent des approches différentes selon les pays. La France n’est pas en reste dans ce domaine et plusieurs documents très solides sont disponibles sur les sites officiels. Mais la plupart du temps, les architectes ne font pas l’effort de ces recherches et proposent des organisations loufoques à des médecins qui ne sont pas plus exigeants. Il en résulte des projets calamiteux, mais surtout dangereux.
Les pays africains disposent de moyens limités pour assurer la création des établissements sanitaires qui leur sont indispensables. Lorsqu’ils sont construits, ils ne disposent pas d’avantage de moyens pour en assurer la maintenance. C’est pourquoi des règles adaptées aux besoins de chaque type de structure devraient être mises au point en se limitant aux installations nécessaires et suffisantes, sur la base d’une analyse objective des risques.
Laisser n’importe qui concevoir et construire n’importe quoi, sans encadrement réglementaire adapté, conduira à terme à un accroissement des risques dans les hôpitaux et surtout les cliniques. En effet, les hôpitaux font l’objet de financement internationaux et de concours qui mettent en concurrence des cabinets d’architecture spécialisés. Il en est tout autrement pour les cliniques privées où le choix des intervenants se base beaucoup plus sur le réseau relationnel que sur la compétence des intervenants. Ce point est plus important qu’il n’y parait en termes de risques car dans les pays émergents, les Pouvoirs publics délèguent de fait la gestion des cas chirurgicaux et médicaux complexes à l’hospitalisation privée.
Des références existent, comme cela était souligné précédemment, mais elles sont élaborées pour des pays qui disposent de moyens beaucoup plus importants et qui, aujourd’hui, peinent à assumer le coût de fonctionnement de leurs hôpitaux. Prendre quelques distances par rapport aux principes de conception et d’aménagement technique de ces structures serait judicieux.
Par contre, il est important d’accorder aux fonctions logistiques la place qui leur revient. Que ce soit dans les blocs opératoires, les maternités, les réanimations ou les services de soins, les fonctions logistiques sont toujours sous estimées, ce qui pose de nombreux problèmes pratiques dans le fonctionnement quotidien et contribue à créer un contexte défavorable à la prévention des infections.
L’absence de volumes suffisants de stockage propre et sale, de locaux adaptés pour le nettoyage, pour les postes infirmiers est un constat fréquent dans des projets récemment réalisés.
En règle générale, il est préférable de concevoir des systèmes simples, parce qu’ils sont moins coûteux à réaliser et plus faciles à pratiquer. Dans l’exemple ci-dessous, seule la porte centrale était utile. Ce type d’approche, généralisée à la conception d’un ensemble hospitalier, peut générer des économies significatives.
La technique intervient lourdement dans les locaux hospitaliers, en particulier dans les secteurs où les risques sont les plus élevés. La conception de ces locaux doit faire en sorte que la technique ne constitue pas une source de risques supplémentaires par sa mauvaise intégration, comme on peut le constater ci-dessous dans une salle d’opération récemment construite.
Prendre en compte ces différents aspects fait partie de la mission dévolue à un concepteur hospitalier qui doit faire en sorte que les techniques du bâtiment et des réseaux soient le moins visibles possible. Ceci nécessite une rigueur constante à toutes les phases de la conception, de la réalisation et de l’équipement, car la facilité pour certains intervenants consiste à réaliser une prestation sans se soucier du reste.
Cela conduit à l’installation ci-dessus, qui va pénaliser durablement les utilisateurs des locaux et contribuer à générer un risque pour les patients qui y seront traités.
La conception hospitalière est exigeante et complexe, elle ne peut être réduite à ces propos généraux. Des textes plus précis seront publiés sur www.hospihub.com et des références sont indiquées dans la bibliographie.
Dans le cas d’un projet, il revient aux professionnels de Santé de se documenter pour formuler des exigences précises auprès des architectes et des concepteurs qui interviennent sans contrôle dans les pays en développement et parfois prennent en charge des projets sanitaires sans en connaitre le fonctionnement ni les risques. Il ne suffit d’être étranger pour être compétent.
CONCLUSION
Chacun des risques évoqués dans ce texte nécessiterait un long développement car il résulte de la combinaison de situations complexes où intervient bien souvent le manque ou l’absence de moyens. Il semble cependant possible d’aborder efficacement la plupart d’entre eux avec des ressources limitées, en pratiquant au cas par cas une évaluation objective du risque encouru.
Certains sont encadrés par des textes, la plupart ne le sont pas et compte tenu du développement à venir dans le domaine sanitaire en Afrique, une réglementation commune pourrait être utile à tous. Cette démarche est parfaitement réalisable car il existe peu de textes dans chaque pays et par contre, des références multiples ont proliféré en Europe et en Amérique du Nord. La difficulté serait surtout d’effectuer un tri dans l’abondante information disponible.
Les critères de sélection pourraient être :
- Economiques, retenir les solutions les mieux adaptées au contexte, mais qui génèrent des coûts de fonctionnement plus réduits, sans pour autant altérer la sécurité.
- Réalistes, se limiter à des options techniques nécessaire et suffisantes, en se basant sur une analyse objective du risque à gérer, par exemple dans le cas du traitement d’air.
- Qualitatifs, apporter aux patients et aux personnels un cadre de vie et un mode de fonctionnement adapté, soigné, esthétique. Cela ne coûte quasiment rien de plus, si ce n’est un peu de recherche et d’imagination. Mais avec des effets positifs et durables.
Parallèlement, il semble qu’un travail important soit à conduire dans la mise au point de procédures techniques communes en matière de soin et de prévention. Il ne suffit pas de disposer de nouveaux hôpitaux, encore faut-il bien les utiliser.
Cela nécessite semble-t-il d’adapter les formations initiales actuelles aux environnements et équipements qui seront demain ceux de ces nouvelles structures et d’étendre ces formations aux professionnels en exercice.
Les moyens de communication disponibles permettent aujourd’hui de concevoir de telles démarches sans que les distances à couvrir constituent un obstacle. Par contre, la mise au point d’un contenu commun est un préalable qui semble incontournable. Par ailleurs, il permettrait d’envisager dans la Sous-région une polyvalence des diplômes et des compétences soignantes. Sur cette base, des centres communs de spécialisation pourraient être mis en place et partagés.
Enfin, pour être durablement efficace, les démarches doivent être évaluées. Des méthodes communes d’évaluation et de suivi des résultats pourraient être étudiées. Là aussi, il serait souhaitable de rester simple et pragmatique, en se tenant éloigné des lourdes méthodes occidentales, inadaptées à la culture et aux ressources disponibles.
Les précédents articles de cette série sont accessibles ci-dessous :
Lire l’article 5, publié le 26/04/2016
Lire l’article 4, publié le 19/04/2016
Lire l’article 3, publié le 11/04/2016
Lire l’article 2, publié le 04/04/2016
Lire l’article 1, publié le 28/03/2016
Eléments de bibliographie, pour la plupart accessibles sur Internet
- Site hospihub.com : La stérilisation des dispositifs médicaux dans les hôpitaux du Maghreb
- « Hygiène et qualité hospitalières » Editions Hermann – Paris 1996 – Breack Patrick
- Collection les guides du BTEC Guide de pratique Annie Laberge Université Laval Québec : les infections de sites chirurgicaux –associées à un implant en orthopédie : les connaitre, les reconnaitre et les prévenir.
- Guide des bonnes pratiques au bloc opératoire. Services de santé et médecine universitaire du Québec
- Les soins infirmiers péri opératoires. Lignes directrices pour les activités des infirmières en salle d’opération. Ordre des infirmières et infirmiers du Québec
- Guideline for prevention of surgical infection 1999 Alicia J Mangram- Teresa C Horan- Michele L Pearson National Center for infectious disease – Center for disease control and prevention (CDC) Public health service
- Room ventilation system American society of anesthesiologists Kamal Maheshwari
- Dispensation des médicaments Evaluation des erreurs à différentes étapes du processus Meier Béatrice Genève
- Guide- Outil de sécurisation et d’auto évaluation de l’administration des médicaments HAS France
- Guide- La sécurité des patients, mettre en œuvre la gestion des risques associés aux soins en établissement de santé HAS France
- Les accidents hospitaliers du risque à la prévention Margot Phaneuf, Chantal Gadbois Infiressources mai 2009 Québec
- Solidarité Santé Enquête sur les évènements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé n°17 – 2010
- ANSM Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé France
- Règles de bonne utilisation des antiseptiques Centre hospitalier d’Hyères – Service d’Hygiène 2012
- Guide OMS L’eau, l’assainissement et l’hygiène dans les établissements de soins de santé
- Guide des bonnes pratiques de l’antisepsie chez l’enfant SFHH – 2007
- Guide OMS Ventilation naturelle et lutte contre les infections en milieu de soins
- Guide OMS Gestion des déchets produits par les injections au niveau des districts
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