HOSPIHUB a décidé d’ouvrir des FOCUS EXPERTISE, aux acteurs du secteur hospitalier.
Nous inaugurons cette première fois avec un FOCUS EXPERTISE IBODE, en donnant la parole à IBODE Infos qui a pour objectif la valorisation de leur corps de métier. Ceci dans le partage et repartage de connaissances, et d’informations.
C’est sur ce point que nous bâtissons notre collaboration, car ces partages bénéficient à un public francophone allant au-delà des frontières européennes, et en particulier vers le Maghreb et l’Afrique : c’est le positionnement de diffusion d’Hospihub depuis sa création en 2013.
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L’expertise de l’IBODE dans la connaissance du processus de fabrication et de corrosion des instruments chirurgicaux
Durant les dix-huit mois de formation à la spécialisation en bloc opératoire, les Infirmiers de Bloc Opératoire Diplômés d’Etat (IBODE) acquièrent des principes dans l’utilisation et l’entretien des dispositifs médicaux réutilisables (DMR). L’IBODE est compétent et responsable dans la gestion des risques au bloc opératoire. Il est l’acteur majeur de la sécurité et de la qualité des soins délivrés aux patients dans ce secteur d’activité.
Maîtriser les processus de fabrication et d’entretien des instruments chirurgicaux est indispensable pour réduire au maximum la survenue d’événements indésirables plus ou moins graves en lien direct avec l’asepsie.
La connaissance des matériaux utilisés pour fabriquer ces DMR permet d’optimiser leur entretien, garantir leurs fonctionnalités mais aussi de limiter la survenue d’infections nosocomiales.
Les conséquences peuvent donc être multiples comme par exemple un matériel indisponible ou défectueux pour l’intervention chirurgicale. Cela pouvant retarder et compliquer la prise en charge du patient au bloc opératoire.
Hospihub : Pouvez-vous nous expliquer quels matériaux sont utilisés par l’industrie pour fabriquer les instruments de chirurgie ?
La fabrication et la composition des instruments chirurgicaux obéissent à des normes très strictes (Normes AFNOR). Il convient d’abord de prédéfinir et sélectionner les matériaux répondant aux critères précis du cahier des charges.
Ce processus de fabrication nécessite un contrôle qualité permanent.
La durée de vie des instruments dépend de leurs entretiens soigneux, du respect des précautions du fabricant mais aussi des règles et protocoles d’hygiène dont l’IBODE est garant.
L’acier inoxydable est, depuis de nombreuses années, utilisé dans la fabrication des instruments pour ses qualités mécaniques (dureté, élasticité, ténacité et ductilité) et de résistance à la corrosion.
C’est un alliage de fer, de carbone et de chrome. Ce dernier, à partir d’un certain pourcentage, confère une résistance à la corrosion avec la formation d’une couche protectrice qui donne à ces aciers la qualité d’inoxydabilité.
D’autres éléments peuvent être rajoutés afin d’augmenter les propriétés mécaniques et de résistance à la corrosion tels que :
- Le nickel
- Le manganèse
- Le chrome…
Comme nous l’avons mentionné précédemment, les propriétés de l’acier inoxydable sont :
- La ductilité (capacité à se déformer sans se rompre),
- La dureté (résistance à l’enfoncement),
- Limite élastique (charge maximale que peut subir l’acier sans déformation permanente),
- Passivité (capacité des aciers à s’auto protéger),
- Ténacité (résistance opposée aux déformations),
Les aciers inoxydables sont formés de deux catégories majeures :
- Martensiques (98%) : pour leurs propriétés de résistance mécanique. Ils sont composés de carbone, chrome et molybdène.
- Austéniques (2%) : résistance à la corrosion. Ils sont composés de chrome, carbone et nickel.
Hospihub : Avec des instruments en acier inoxydable, les utilisateurs peuvent-ils avoir l’esprit tranquille ?
L’utilisation de l’acier inoxydable pour la fabrication des instruments chirurgicaux est ancienne. La plupart des DMR sont conçus avec ce matériau. Sa caractéristique principale est qu’il est résistant à la corrosion et facile d’entretien.
La résistance à la corrosion de l’acier inoxydable est créée par la formation d’une couche passive (couche d’oxyde de chrome) à sa surface.
Cette couche passive est extrêmement résistante à de nombreux matériaux chimiques et paramètres physiques.
Cependant, il est faux de penser que l’acier inoxydable ne peut pas rouiller.
Il peut également être affecté par certaines conditions externes, par exemple l’absence d’entretien ou un entretien inadapté.
L’utilisation de désinfectants et de produits de nettoyage contenant un ou plusieurs des ingrédients suivants n’est pas recommandée pour l’acier inoxydable : le chlore, l’acide oxalique et peroxyde d’hydrogène (H2O2).
Un piquage ou une corrosion de contact peuvent apparaître si ces recommandations ne sont pas suivies.
Même si l’inox est un matériau résistant à la corrosion il est primordial de respecter les consignes d’entretien, d’utilisation et de manipulation des instruments.
Pour comprendre, la corrosion est un processus chimique qui altère un matériau en réaction avec un oxydant. La rouille en est la dénomination la plus connue.
La corrosion touche toutes sortes de matériaux dans des environnements variables comme dans le milieu aqueux, dans l’air mais aussi à des hautes températures.
La qualité de l’eau utilisée dans le traitement des DMR joue un rôle déterminant dans le processus d’apparition de la corrosion.
En effet, sa dureté et sa température peuvent accélérer sa survenue.
Il existe différents types de corrosions qui sont multifactorielles et dépendent du matériau utilisé, de la conception de la pièce, du nettoyage et de l’environnement.
- La corrosion par piqûre (trous de corrosions microscopiques provoqués par l’action des chlorures présents dans l’eau),
- La corrosion fissurante (dans les zones soumises à des tensions de tractions élevées),
- La corrosion en nappe (contact à long terme d’humidité),
- La corrosion par contact (matériaux mélangés composés d’acier oxydable et inoxydable),
- La rouille étrangère (contamination des instruments intacts par ceux qui sont rouillés lors des étapes de traitement),
- L’incrustation de dépôts organiques (corrosion provoquée par des dépôts résiduels de sang, de tissus, d’os ou d’antiseptiques),
- Le couplage galvanique ou corrosion électrolytique (Les implants orthopédiques et instruments chirurgicaux composés de métaux différents ne doivent jamais être combinés).
Pour préciser davantage ce point : il est déconseillé de combiner des implants in situ ou de stériliser des DMR constitués de métaux différents par exemple Titane/Inox.
La combinaison de métaux différents peut induire la libération d’ions allant du métal le plus noble vers le moins noble. Le corps humain est un fort conducteur et un milieu d’échanges électrolytiques favorisant ce processus.
Cela peut entraîner une réponse inflammatoire avec des réactions d’intolérance au métal.
La corrosion peut aussi réduire la résistance mécanique du DMR.
Pour conclure avec la corrosion, elle peut apparaître à toutes les étapes du nettoyage et de la stérilisation, d’où l’importance et la plus value des IBODES dans les blocs opératoires.
- Hospihub : Il existe d’autres matériaux ?
Il existe plusieurs autres matériaux pouvant être utilisés dans la fabrication des instruments chirurgicaux comme le titane, qui est un matériau très résistant à la corrosion, le carbure de tungstène, le nickel et le cobalt pour ne citer qu’eux. La qualité première recherchée pour chacun est leur résistance.
Outre la connaissance de la diversité des matériaux, l’IBODE connaît leurs processus de fabrication.
Les différentes étapes impliquent une transformation de l’acier à partir de son état brut :
- La découpe de l’instrument à partir de plans.
- L’estampage consiste à emboutir à chaud des formes dans l’acier.
- L’usinage : fraisage + assemblage + sertissage.
- L’ajustage + meulage de forme.
Ensuite le traitement thermique de l’acier en trois phases :
- Le forgeage.
- Le recuit pour faciliter l’usinage alterne des phases de chauffage et refroidissement.
- La trempe augmente la résistance à la corrosion notamment en alternant des cycles précis de refroidissement et chauffage.
Il est important de rappeler qu’il est primordial de respecter ces différentes phases de durées de variations thermiques sous peine de faciliter la survenue rapide de corrosion ou de rupture du produit final.
Dernière étape, le traitement de surface qui confère à l’instrument une résistance à la corrosion :
- Ponçage + polissage par traitement mécanique.
- Vibro-abrasion par nivellement chimico-mécanique.
- Polissage électrochimique.
- Matage : traitement satiné-argent par air comprimé avec microbilles de verre.
Tous les instruments chirurgicaux doivent avoir le marquage CE depuis 1998 par un organisme notifié qui évalue la conformité des dispositifs médicaux (LNE GMED).
Pour terminer, voici quelques recommandations et rappels de bonnes pratiques préconisées par la SF2S (Société Française des Sciences de la Stérilisation) et la SF2H (Société Française d’Hygiène Hospitalière) que les IBODES ont reçu et développé durant leur formation afin de prévenir l’apparition de corrosion sur les instruments chirurgicaux :
- Tous les résidus chirurgicaux adhérant et séchant sur les instruments (incrustations) entraînent une corrosion.
- Une exposition prolongée à l’humidité endommage également les instruments.
- La présence de sang, de pus, de résidus de tissus et d’os sur les instruments après utilisation entraine la formation de corrosion et de rouille.
- La solution physiologique (sérum), la teinture d’iode (Bétadine), l’eau inadaptée au traitement des instruments et les produits de nettoyages et désinfectants inadaptés ou incorrectement utilisés provoquent une corrosion par piqûre et une décoloration des DMR. Il est donc important d’évacuer les résidus d’iode et de sérum physiologique avant d’immerger les instruments pour la pré-désinfection.
- Le contact entre des instruments fabriqués dans des métaux différents aboutit à une corrosion de contact.
- L’utilisation répétée des instruments tranchants qui s’émoussent et donc s’endommagent ont une susceptibilité accrue à la corrosion.
- Les chocs entre les instruments lors du tri ou de la recomposition des paniers peuvent causer des dommages notamment au niveau de leurs surfaces tranchantes et de leurs articulations. Ce sont des zones de fragilité de ces dispositifs médicaux avec un risque de corrosion. Il est recommandé de bien ranger et trier les instruments dans leurs paniers, les plus légers et fragiles sur les plus lourds, en évitant de les superposer si possible et de façon bien espacée.
- Au niveau de la stérilisation du matériel, des DMR avec présence de rouille peuvent contaminer les autres instruments intacts.
La règle de 7 des IBODES contribuant à limiter les problèmes :
- N’utiliser chaque instrument que pour la fonction à laquelle il est destiné.
- Ne jamais laisser sécher de résidus chirurgicaux (sang, sécrétions, résidus de tissus) sur un instrument ; le nettoyer immédiatement après la chirurgie.
- Débarrasser complètement les instruments des incrustations avec des brosses douces exclusivement. Démonter les instruments, nettoyer très soigneusement les cavités.
- Ne jamais désinfecter, nettoyer (même aux ultrasons) ou stériliser ensemble des instruments fabriqués dans des matériaux différents.
- Utiliser uniquement des produits de nettoyage et des désinfectants prévus pour le matériel et respecter le mode d’emploi du fabricant. Il convient aussi d’éliminer les résidus d’iode ou d’autres désinfectants et de ne pas les mélanger aux produits détergents-désinfectants utilisés pour la pré-désinfection des DMR.
- Ceci peut entraîner la corrosion et la détérioration des instruments lors du trempage en post-opératoire.
- Rincer les désinfectants et les produits de nettoyage très soigneusement à l’eau.
- Ne jamais laisser ou stocker d’instruments humides ou mouillés. Il est primordial de respecter les temps de trempage recommandés par les équipes opérationnelles d’hygiène et les fabricants.
Les données concernant la fabrication et le processus de corrosion des instruments chirurgicaux sont à retrouver dans la revue INTERBLOC et sont enseignées dans les Ecoles IBO.
Ces connaissances précises montrent l’importance de la formation par son apport théorique, lui conférant une légitimité et reconnaissance dans l’apprentissage de cette spécialisation.
Lien INTERBLOC Janvier 2014, La fabrication des instruments chirurgicaux et INTERBLOC Avril 2014, La corrosion des instruments, Nadine BRICHE IBODE, Bloc ORL, Hôpital Georges Pompidou, AP-HP, 20 rue Leblanc, 75015 Paris
Cours Ecole IBO Toulouse.
04/02/2018 - Par M. CHAKIR Grégory – IBODE
présent aussi sur Twitter : @IBODEInfos et Facebook
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